Il lui faut un « Blanc »

Article : Il lui faut un « Blanc »
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23 mai 2016

Il lui faut un « Blanc »

Malgré l’abysse qui sépare le peuple haïtien de la colonisation, le colon semble être quelque part coincé dans son esprit. Le mot blanc revient souvent dans le discours de l’haïtien soit comme idéal supérieur, soit comme modèle de perfection, soit comme facteur de délivrance ou de blocage.

Héritiers de la décolonisation, sous une forme ou sous une autre, nombreux sont les haïtiens qui croient que leur destin supérieur est de vivre à l’instar de l’homme blanc. C’est pour cette raison semble-t-il qu’ils font tout en modelant avec constance leur culture, leurs sentiments, leur langage, voire leur apparence physique et leurs loisirs afin de se rapprocher du blanc.


Beaucoup sont des haïtiens qui croient dûment que la cause qui empêche au pays d’occuper une place de choix parmi les peuples, c’est à cause l’homme blanc. Parallèlement, se trouve d’autres qui croient que le bonheur de ce pays sera quand ses dirigeants décideront enfin de le livrer au blanc.
Certains définissent un certain niveau de l’échelle socioéconomique comme une vie de blanc. Quelques temps passés auprès d’un haïtien, vous entendrez surement rebondir les termes ; « manje blan , apre Bondye se blan , se blan mwen pral aprann , blan gason , etc. ». Tous ces qualificatifs pour attribuer aux blancs toutes les bonnes manières qui soient.
A la rigueur, l’homme le plus distingué de ce pays aimerait mieux qu’on lui trouve quelque ressemblance avec un blanc. Il faut voir avec quel orgueil quelques unes des figures les plus représentatives de notre milieu évoquent la virtualité de quelque filiation blanche.
Dans le milieu religieux, de très souvent nos pasteurs se battent tous pour quelques accointances avec un pasteur blanc. Pour la bonne marche d’une église, croit-on, un Blanc suffit. Avec un Blanc, le Seigneur répond plus rapidement aux prières. Il faut quand même voir la piété et le zèle des fidèles à la visite des missionnaires blancs. Le Christ prenant la forme d’un Noir un dimanche matin n’aura pas ce type d’accueil.
Dans le milieu politique, c’est la gangrène ! Il faut l’aval du blanc à même les choses les plus insignifiantes. Les élections, le budget national, le mode de gouvernance, les projets de développement, il nous faut toujours l’apport du Blanc. Il faut toujours le blanc comme repère.
Malgré des sursauts de redressements de certains, le besoin de se ressembler, de se modeler au blanc est si fort chez nous que nous sommes nombreux à ne pas l’avouer. Nous sommes beaucoup à avoir un blanc ancré au plus profond de nous-même et qui nous inspire sous un angle ou sur un autre. Notre réflexion ici ne se veut nullement raciste et nous acceptons aussi que beaucoup ne se retrouveront pas dans ces lignes. Mais elle met uniquement en relief le gêne de ce peuple de ses origines ethniques.

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