Trêve de masturbation

Article : Trêve de masturbation
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9 juillet 2016

Trêve de masturbation

Un intellectuel c’est surtout ça : « prendre position sur toutes les questions qui engagent sa société et proposer des solutions viables. » Tout le long de la triste histoire de ce pays, on a vu des intellectuels prendre position, dénoncer, critiquer, appuyer, etc. N’ayant pour seul arme l’écrire, il semblerait que tous se sont heurtés à un obstacle commun : « ceux qui lisent ».

Nous avons hérité dans ce pays d’une situation chaotique, de problèmes à n’en plus finir. Nombre de générations se sont succédé, ainsi que leurs prestations minables. Mais plus cela change, plus c’est pareil. Cependant, plusieurs voix se sont toujours élevées afin de recadrer la société dans ses errements.

Aujourd’hui encore, dans cette descente effrénée de la société haïtienne aux abysses du chaos, des voix se font entendre. De par leurs savoirs avérés, ils critiquent, dénoncent, proposent de nouvelles démarches. Ils sont tous écrivains, blogueurs, professionnels dans un domaine quelconque qui offrent chaque jour leur génie à la cause de ce pays. Ils écrivent pour transformer. Mais qui lit exactement ?

On a beaucoup entendu que s’il faut cacher quelque chose à un noir, mettez-le donc dans un livre. Nos bibliothèques, personnelles ou privées, regorgent de livres dans lesquels des écrivains ont tenté d’attirer l’attention du plus grand nombre sur des problèmes divers. De nos jours, avec l’arrivée de Internet, l’accès à certains livres ou autres types de documents devient plus facile. Mais toujours le même problème. Ce n’est qu’un groupuscule de passionnés de lecture de toujours qui mène les débats. Qui est présent dans les ventes et signatures des livres, dans les bibliothèques, les conférences ? Toujours les mêmes têtes… Qui réellement prend le temps de lire un article ? Qui de ceux qu’on critique prennent le temps de mieux faire après nous avoir lu ?

Ceux qui lisent en Haïti vivent dans un monde à part où l’on ressasse entre soi les mêmes thèmes, les mêmes sujets et les mêmes débats. Entre temps, le plus grand nombre se vautre dans la médiocrité, traîne dans les profondeurs de l’ignorance. C’est bien triste de voir aujourd’hui l’ignorant qui évangélise dans les églises, les médias, les débats politiques, etc. vouloir enseigner aux autres mais nier ce qui en donne la légitimité.

Ceux qui en toute légitimité produisent des idées doivent être fiers car c’est une noble tâche. Cependant, les méthodes avec lesquelles nous tentons d’atteindre le plus grand nombre doivent être repensées. Nous ne pouvons pas être nos propres lecteurs.

Si nous voulons vraiment transformer par la lecture, pourquoi mettre sa bibliothèque au service de sa seule soif de savoir ? Pourquoi ne pas en faire un lieu de lecture et de discussion pour des jeunes perdus dans les sillages du « ti blòdè » ? Pourquoi ne pas organiser des randonnées dans nos mornes et dans nos plaines pour rencontrer et partager avec le paysan ? Pourquoi ne pas se rendre dans les localités éloignées afin de rendre quelques lumières ? Oui, recruter, préparer et grossir nos rangs.

À moins de poursuivre la carrière d’une personne engagée, patriote mais isolée, facile à balayer. De participer à des colloques, des séminaires ou autres où ce seront toujours les mêmes visages qui y figureront. Quand finalement on découvre que ce sont les ignorants qui tirent les ficelles, on exhibe son orgueil, gaspille son courage dans des palabres.

Le plus grand nombre ne nous suit pas parce qu’on ne s’est jamais marié à lui… Au lieu de foncer tête baissée dans cette lutte, consacrons plutôt le reste de notre temps à en former d’autres citoyens comme nous.

 

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Commentaires

Ecclésiaste Deudjui
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je suis un peu d'accord avec toi même si c'est légèrement utopique. c'est très difficile de faire du prosélytisme en ce qui concerne la littérature. de toute façon merci pour la piqûre de rappel

???
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j'ai visité ton blog m.jeff